La Chine fut longtemps pour l’Occident l’Autre par excellence, imaginée comme telle nimbée dans une identité bien typée, et strictement circonscrite à son territoire : ce qu’on appelle une utopie.
Elle resta le dernier espace que les Occidentaux tentèrent de se partager au temps de leur règne planétaire, après avoir été le premier à éveiller leur désir. Elle résistait à toute prise.

Pressée de près par les Occidentaux, la Chine entreprit en 1911 de se ramasser pour se rassembler, comme on dit d’un cheval prenant son élan pour sauter l’obstacle. Un siècle plus tard, elle s’affirme en plénitude, à la fois plus du tout la même et authentiquement identique.
La Chine qui ressort de ce siècle de renaissance n’a même plus les apparences de cette Cinpango dont rêvait l’Occident, encore moins les traits de l’empire à dépecer du temps des concessions. Elle est la Chine réelle, ancrée dans ses millénaires de civilisation et en route vers une transformation rapide : il n’est pas aisé d’en caractériser l’identité en devenir.

Dire ce qu’est la Chine est d’autant moins facile que son incroyable essor s’est fait par une ouverture massive à la mondialisation, qui tend aujourd’hui à changer d’allure : hier immergée dans les courants du commerce extérieur animés par l’Occident, la Chine y a de plus en plus pris pied et tend de plus en plus à en organiser les flux depuis
les assises de son propre développement.

La Chine qu’on imaginait jadis hors du monde connu s’est désormais placée au coeur du monde en mouvement, qui devient petit à petit un « hors Chine » vers lequel c’est la Chine qui pousse à son tour ses dendrites.
Réfléchir à ce retournement en gestation et en anticiper les conséquences était l’objet du colloque annuel de la Fondation Prospective et Innovation au Futuroscope le 2 septembre 2016.